dimanche 18 novembre 2007

Gréoux-les-Bains (Partie II).13ème Foire aux Santons.


Comme je vous ai promis et comme vous l'avez deviné, aujourd'hui on reste à Gréoux et je vous emmène voir une foire aux santons. Car être en Provence et ne pas voir de santons, c'est manquer quelque chose d'important qui en fait partie. En plus, Noël approche, la plupart de vous, probablement ont une crèche à la maison, d'autres rêvent d'en acheter une. Il est à remarquer qu'avant mon arrivée en France, je ne connaissais pas cette tradition, car dans ma religion orthodoxe ça n'existe pas. Mais je trouve l'idée formidable à tel point que l'année dernière on s'en est offerte une. Et bien, les croyants et les ates, je vous invite à me suivre dans un conte de provence... Il était une fois, à Greccio, en Italie, Saint-François d'Assise, né de mère provençale, touché d'une extraordinaire dévotion pour le mystère de la nativité, fit un oratoire le jour de Noël,où il réalisa une crèche vivante, ayant représen au plus naturel qu'il put, la nativité du seigneur. Les personnages furent jos par des gens du village, les animaux étant réels. C'était en 1223. Cet exemple allait être suivi un peu partout, dans les églises d'Italie, puis dans celles de France et d'ailleurs. Cette "crèche vivante" a donné naissance à une tradition qui s'est perpétuée, mais les "acteurs" ont été très largement remplacés par des personnages en mie de pain, en bois, en terre, en cire. Mais petit à petit c'est l'argile rouge de Provence qui a été privilégiée pour la fabrication. Si les premiers santons fabriqués à partir de moules assez rudimentaires, sont longtemps restés de fragiles créations en carton pâte ou en argile crue, simplement séchés, la cuisson de l'argile s'est imposée un peu partout, en les rendant moins fragiles et leur assurant une plus grande résistance, et de nouveaux santons en toute autre matière, comme en faïence et même en verre sont apparus. Les premières crèches ressemblant à celles que nous connaissons, ont fait leur apparition dans les églises au XVIème siècle. C'est à cette époque qu'apparaissent de nouveaux personnages, comme par exemple, les Rois Mages: Balthazar, Gaspar et Melkior. Les personnages représentés n'étaient autres que ce que l'on appelait en Provence les "santibelli" - statuettes de beaux petits saints. La Révolution française de 1789 a forcé la population à fermer les lieux de Culte et a supprimé la messe de minuit . Les Provençaux, enclin à la traditionet ne pouvant plus se recueillir devant la Nativité, ont commencé à confectionner alors "lei santoun" (en provençal) ou "petits saints", pour qu'une crèche de Noël puisse fleurir dans l'intimité du foyer de chaque famille provençale. Il faudra attendre la fin du XVIIIème siècle et surtout les premières années du XIXème, pour que naisse la véritable crèche provençale avec en plus de la Sainte famille, les rois et les bergers tous les gens du village accourus de leurs maisons ou de leurs échoppes et ateliers, venant voir le Nouveau-né pour lui apporter leurs présents ou annoncer au monde la bonne nouvelle. Et cela uniquement en Provence!!! C'est un marseillais, Jean-Louis Lagnel qui, aux alentours de 1800, fut le premier fabricant connu de santons. Il a eu l'idée de construire les moules sur ses voisins qui exerçaient différents métiers, et les santons étaient traditionnellement vêtus dans la mode populaire sous Louis-Philippe. Encore aujourd'hui les santons d'art sont monobloc d'argile et les visages resculptés après le moulage. Ils sont décorés à la main et habillés avec d'authentiques tissus provençaux. Les santons sont réalisés à la main,toutes les 7 étapes, ce qui en fait un objet artisanal unique. La dernière étape, la décoration, elle se fait couleur par couleur, avec des pinceaux de décoration. Les premiers santonniers se servaient d'un mélange constitué de pigments en poudre, de gomme arabique et d'eau. Cette peinture était confectionnée par le santonnier lui-meme. Aujourd'hui, on utilise les gouaches acryliques, vinyliques etc. disponibles dans le commerce. Le sujet ne doit surtout pas être vernissé. Depuis Jean-Louis Lagnel, le métier de santonnier s'est ajouté aux métiers traditionnels de la Provence. Il existe de nos jours une centaine d'ateliers de santons entre Marseille, Aubagne, Aix-en-Provence, Arles ainsi que dans de nombreux petits villages disséminés à travers de la région. En 1803, peu après le Concordat, la première Foire aux santons fut inaugurée à Marseille. Elle s'y tient toujours, de fin novembre à début janvier chaque année, en haut de la Canebière, artère principale de la vieille ville, débouchant sur le Vieux Port. La Foire aux santonsde Gréoux-les-bains n'a pas la même importance ni mêmes dimensions. Il a suffit une salle d'exposition pour placer tous les exposants. Ça ne nous a pas empêché de passer un très bon moment parmi tous ces personnages, qui tous, ont leur histoire personnelle. Outre les petits santons peints, il était possible de trouver à cette foire des "santons" habillés, en costumes traditionnels, chacun portant les insignes de son métier. Ce sont mes préférés. Ces réalisations font l'objet d'une recherche rigoureuse à la finition afin de satisfaire les connaisseurs les plus exigeants. Il est à remarquer que les collections des santons ne cessent pas de s'enrichir de nouveaux personnages modernes. Comme dans n'importe quelle Foire aux santons, il était possible d'acquérir à celle de Gréoux les accessoires permettant de confectionner le décor traditionnel de la crèche: étable, puits, pont, étoile, papier rocher, papier ciel, mousse fraîche pour imiter l'herbe, etc. Il nous étaient présentés également les costumes traditionnels des personnages féminins grandeur nature. Ça permettait de voir leurs moindre détailles. Impossible de vous présenter tous les personnages que nous avons pu voir. Je vais vous montrer juste les plus populaires. Parmi eux: LA FILEUSE: elle est debout, porte un grand chapeau noir, elle tient le fuseau enrobé de laine, elle file. En Provence, on travaillait également d'autres fibres comme le chanvre, le lin et la soie. Le fil tiré de ses doigts représente la vie. On peut établir une relation avec la mort du Christ, comme si par la fileuse, sa mort s'inscrivait dès sa naissance, le fil dévidé devant servir à tisser la toile du Saint Suaire. L'HOMME AU FAGOT: le bois jouait un rôle très important dans l'économie du village et des mas. C'est un homme rude mais bon, son bois servira à chauffer la crèche. On peut le place descendant vers l'étable, ou on le laisse dans les taillis. Il ploie sous un lourd chargement de bois qui constitue son offrande. LA POISSONNIÈRE: Solide petite femme au verbe haut, une main sur les hanches, elle porte un panier plein de poissons d'argent, sa balance romaine pourrait peut-etre servir à peser les âmes de tout ce petit monde. Sa seule touche de coquetterie est le beau fichu couvrant ses épaules. Son offrande est particulièrement prisée en raison de la symbolique qui s'attache au poisson dans la tradition chrétienne. LA LAVANDIÈRE: A coté des offrants, il y a tous ceux qui poursuivent leurs activités. Ils ne sont pas sourds au message divin, et le travail souvent pénible auquel ils se livrent a valeur de prière. La lavandière, humble femme du village, agenouillée en train de battre le linge sur la pierre du lavoir ou au bord du ruisseau, en est la vivante illustration. LA FEMME A LA TRESSE D'AIL: Elle marche un peu courbée, à sa main gauche une longue tresse d'ail, à son bras droit un panier d'herbes de Provence. LES VIEUX, GRASSET ET GRASSETTO: Couple attendrissant, ils marchent en se tenant par le bras. Ils ont mis leurs plus beaux habits pour honorer le Seigneur. Ils portent un panier de friandises. Ils se reposent souvent sur un banc. LE CHASSEUR: On peut s'étonner de trouver ce personnage dans la crèche, acte d'adoration, célébration de l'amour des créatures, mais il fait partie de la tradition proveale et la crèche restitue la vie rurale. Il tient son fusil et sa besace en bandoulière. LOU BOUMIAN: Personnage inquiétant, marginal, il marque la présence des nomades. Il porte des vetements criards, un couteau à la ceinture. Il peut etre accompagné de la bohémienne avec un panier en osier ou un enfant qui lui tient la main. C'est le symbole de l'égalité des hommes devant Dieu. LE BOULANGER: Artisan vêtu de blanc, il porte sur l'épaule un panier plein de pains dorés, illustrant ainsi la signification du pain dans le monde chrétien. Mais de nos jours de plus en plus souvent on rencontre des boulangers en version contemporaine. LE TAMBOURINAIRE: Maître de la farandole, c'est tout le folklore de la Provence qui apparaît à sa suite. Son offrande c'est la foi modeste et sublime, elle tient toute entière dans sa bonne humeur, et dans les sons harmonieux et entraînants que son souffle joyeux tire du galoubet, pendant que sa main rythme la danse sur son tambourin. Il salue l'événement du plus heureux matin et encourage la marche des autres santons. BARTOUMIEU: est un ivrogne invétéré. LE PÊCHEUR: Pêcheur de rivière, son bonnet ou sa casquette le protège du soleil. Il est debout la canne tendue, image même de la patience. On le place d'habitude sur le pont enjambant le torrent ou sur la berge. Il peut y avoir un autre pêcheur, celui du bord de mer. Il est vêtu de bleu avec un tricot rayé, un long filet pend à son épaule, il peut porter sous le bras un panier d'osier plein de poissons argentés. LE MEUNIER: On le met sur le chemin tortueux qui descend de la colline, il a son bonnet blanc sur le coté, une large taillole entoure sa taille, il porte sur l'épaule un sac de farine. C'est un bon garçon de galoubet, toujours joyeux. L'AVEUGLE ET SON FILS: C'est un couple de souffrance. Appuyé sur l'épaule d'un enfant qui lui montre le chemin et guide ses pas, l'aveugle incarne les maux qui frappent l'humaine condition et dont la guérison ne peut venir que de la clémence de Dieu. Le chemin de la crèche est celui de l'espoir.LA PORTEUSE D'EAU: De sa main droite elle maintient en équilibre sur sa tete une cruche de terre cuite vernissée. L'eau qu'elle porte est le précieux symbole de la vie sur ces collines le plus souvent vouées à la sécheresse. L'eau représente une richesse, elle est Précieuse et respectable. LA FERMIÈRE : une femme avec des produits de la ferme, elle peut etre accompagnée de ses oies ou poules. LA FEMME AUX OLIVES ET A LA FOUGASSE: Femme modeste, vetue à la mode paysanne, elle sait qu'elle n'offre pas un riche présent, mais il est donné de bon coeur. LA MARAÎCHÈRE: devant elle sont étalés les produits de terroir qu'elle vend. LA JARDINIERE: avec les produits de son jardin. LA FEMME AU BERCEAU: Elle a pris ce qui a semblé le plus précieux, le plus utile à son instinct de mère: le berceau. Elle le porte sur la tete ou dans ses bras pour l'offrir. Il faut à l'Enfant-Dieu une couche plus digne que la mangeoire garnie de paille, voici le berceau rustique taillé dans le bois de ses arbres. Elle porte des vetements simples et personnalise l'amour maternel. Ces santons représentent la vraie Provence du siècle passé. A travers le monde ils sont les ambassadeurs de la Tradition Provençale. C'est, respectueux de ce passé, que chaque hiver, on prépare les mêmes décors, on ramasse des la mousse, les feuillages, on installe les moutons, les poules, les pêcheurs au bord de l'eau, mélangeant le quotidien au Mystère Divin. Le poète Marsaillais Elzeard Rougier, écrivait "Les santons sont des fleurs que l'on cueille en hiver". Alors en attendant le retour de l'été, je vous souhaite de bien profiter de ces magnifiques "fleurs d'hiver".

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Encore un super article merveilleusement illustré et très bien commenté !
Tu nous gâtes, ma belle !!!
Quel beau travail de ta part ...
Merci !
Bon lundi ! Bisoux.

Anonyme a dit…

Magnifique article. J'ai des sanctons sur le rebord de la hotte de ma cuisine. C'est vrai que venir en Provence et repartir sans eux, c'est pas possible. C'est toute une histoire et une vie qui se racontent à travers eux. Je vais voir ou se trouve ton autre blog. J'adore les enfants et je ne comprends pas qu'on puisse leur faire du mal. C'est l'innocence et la tendresse. Je t'envoie une tonne de bisous adorable Tania et passe une belle journée. A bientôt

Anonyme a dit…

Mamamia !!! Mais quel bonheur de te lire de bon matin et toutes tes photos !! J'adore les santons ! Et si il y a une belle région où l'on peut les observer c'est bien la Provence ! Tout ce travail méticuleux et d'une précision incroyable !!!!
Et puis ils viendront décorer la crêche de Noël, en attendant le vieux barbu !
Bises
TiteZa

Anonyme a dit…

Il va y avoir du monde dans ta creche :D !

(C est vrai que sa construction fait partie des grands souvenirs des enfants [j ai 36 ans, je me souviens encore de ces moments]).

Bonne soiree, Christophe

Anonyme a dit…

je te conseille en décembre de te rendre à Naples et de te perdre pour découvrir les trèsors napolitains : Presepe (crèches en italien)

Anonyme a dit…

Kikou Tania, et merci pour ce merveilleux article si bien illustré,j'adore ces personnages, certains détails sont incroyables

bisous et bonne soirée

Tania a dit…

@ TOUS:
Merci pour votre visite. J'espère que vous avez pris le meme plaisir faire ce petit voyage virtuel avec moi, que moi pendant ma visite de la foire.
Bonne journée à vous tous.

Anonyme a dit…

Magnifiques santons.
Je me souviens lorsque j'habitais Marseille que l'on vendait des santons, aussi très beaux, tout au long de la Canebière.

Anonyme a dit…

Merci pour ce formidable billet!
C'est le grand plaisir de Noël, faire la crèche, aller chercher la mousse, les jolis cailloux, les branchettes pour décorer,et au final poser les santons! Et tu as oublié le Ravi, celui qui lève les bras en signe d'adoration, celui dont on dit qu'il est un peu benêt, le ravi, quoi!
Moi, j'ai une préférence pour les santons traditionnels, ceux en argile, et chaque année j'essaie d'en acheter un nouveau, mais je garde précieusement les plus vieux, dont certains pourtant n'ont plus beaucoup de couleurs!

Tania a dit…

@ Cornus:
J'aime beaucoup la ville de Marseille, mais on y va toujours en été, alors pas de bol! Mais je voudrais bien voir cette Foire sur la Canebière ne serait-ce qu'une fois.

@ Filomène:
Le Ravi, je ne l'ai pas oublié. J'ai précisé dans mon post qu'il était impossible pour moi de présenter tous les santons, faute de temps. Mais c'est vrai que c'est un personnage assez important.
Nous, on a une crèche traditionnelle à la maison, et je n'achète plus de santons, meme si j'en ai envie. Je resiste à la tentation. Car chaque fois que je les vois, surtout ceux qui sont habillés, je retombe en enfance et je les regarde avec les yeux émerveillés, pire qu'une gosse.
Bisous Filomène.

Rosie a dit…

Fiou... je vais me faire chicaner, mon chum m'attend pour partir faire des courses... 10 minutes sur ton blogue à visionner toutes ces si magnifiques photos que tu as prises à la Foire aux santons.

Si je comprends bien des santons ce sont des personnages de Noël à mettre dans la crèche ou en décortions. C'est tellement joli, je n'en reviens pas, quel art ces artistes, de toute beauté.

Merci à toi bella, de nous présenter tout cela, ta générosité n'a pas de prix, cela a dû te prendre un temps fou à poster toutes ces photos et tu nous as aussi mis de si belles descriptions.

Je suis bien contente d'avoir pris le temps de bien visionner le tout, Namour a trouvé tout cela bien beau aussi. Moi, la féérie de Noêl me rend ga, ga.

Merci encore bella et de gros bisous à toi et à ton Namour xoxoxoox