jeudi 21 juin 2007

22 juin une triste date...

Si je vous dis LE 22 JUIN... Qu'est-ce que cette date évoque dans votre esprit? Deuxième jour de l'été? Michel Berger épouse France Gall en 1976? Napoléon abdique pour la 2ème fois en 1815? La France signe en 1940 l'armistice avec l'Allemagne à Rethondes? Tout ça et beaucoup d'autres... Quant'à moi, dès que j'entends le 22 juin, automatiquement je dis: Hitler déclare la guerre à l'URSS en 1941. Pourquoi?- me demandez-vous. Et bien l'explication est très simple. Si vous me suivez depuis longtemps, vous devez savoir que je suis Brestoise, née à Brest en République de Bélarus, situé à la frontière polonaise. Alors, depuis mon tendre enfance, j'ai été "consacrée" à l'histoire de ma ville natale. A l'école, ayant les manuels d'histoire identiques partout dans l'Union Sviétique, on apprenait l'exploit de la petite garnison de la forteresse de Brest. On était fier que notre ville natale a acquit une renommée mondiale dans les premiers jours de la Grande Guerre Nationale. Rappelez-vous, en 1941, les troupes allemandes pénètrent en Union Soviétique. Staline ne s'attendait pas à ce qu'Hitler rompe le pacte de non-agression signé 2 ans plus tôt. Considérant les Slaves comme des sous-hommes et le communisme comme leur principal ennemi, les nazi mèneront en URSS une guerre bien plus cruelle qu'à l'ouest. Cette attitude jouera en leur défaveur, stimulant le patriotisme russe au sein de toute la population. Et le premier exemple du patriotisme soviétique a été donné aux nazi chez moi, à Brest, dans sa citadelle, qui n'avait déjà plus d'importance militaire. Le 22 juin 1941, à 3 heures du matin les troupes allemandes pénètrent en Union Soviétique, avec 3 millions d'hommes, 3.600 chars et 4.200 avions. L'Armée Rouge au moment de l'offensive allemande est en pleine refonte et au début les troupes soviétiques se replient, mais devant Brest l'armée rouge résiste victorieusement aux assauts des Allemands. 8.000 soldats russes se trouvent face à l'armée allemande de 17.000 soldats qui a fait de la prise de cette citadelle l'un de ses objectifs principaux de cette première journée de guerre! Deux blindés arrivent à pénétrer dans la cour centrale, mais l'un deux est détruit avec canon anti-char seulement manoeuvré par deux servants. Le 24 juin 1941 la Porte de Brest reste aux mains des russes après des engagements aux corps à corps... Le 27 juin les mortiers super-lourds de 540 et 600 mm commencent à pulvériser la citadelle (ils ne seront utilisés qu'à Sebastopol et Brest-Litovsk). Enfin Zoubatchev et Fomine (2 hauts responsables militaires de la garnison) seront capturés. Le premier mourra en 1944 au camp de Hammelburg, le second sera fusillé le 30 juillet devant la Porte de Chelm. Pendant près d'un mois, la petite garnison de la place forte repoussa les attaques d'un ennemi dix fois supérieur en nombre. Aussi longtemps que ses défenseurs restèrent en vie, les hitlériens ne réussirent pas à occuper entièrement la citadelle. 962 soldats et membres de leurs familles ont trouvé la mort ici. Après la guerre, le 8 mai 1965, le Présidium du Soviet Suprême de l'U.R.S.S. attribuera à Brest-Litovsk le titre honorifique de "Forteresse-Héros" et lui décerna l'Ordre de Lénine et celui de l'Etoile d'Or des Héros. Les ruines de la citadelle ont été conservées. Les forts et les casemates à demi détruits, criblés de balles et d'éclats, les murs des casernes et des bâtiments endommagés par les obus, les fossés, les remparts ont été préservés tels qu'ils étaient lors des combats. Un Mémorial a été aménagé sur le territoire de la citadelle. Vous le voyez de loin, surgir au bout de nulle part... L'entrée en forme d'étoile découpée à travers les anciennes fortifications du bastion est très impressionnant. Déjà par ses mensurations, mais aussi par l'ambiance. Dès que vous rentrez sous l'étoile, dans la voûte du passage, vous entendez la voix (la même qu'en 1941) qui annonce en russe à tout le peuple soviétique que l'Allemagne a rompu le pacte de non-agression et a traversé nos frontières à 3 heures du matin, la voix qui appelle aux armes. Tout de suite après, suit la chanson militaire spécialement écrite pour mobiliser la population "à la bataille mortelle" et le bruit des avions et des tirs des chars. Je vous jure, ça donne des fourmies au dos. Vous avancez un peu et vous voyez des centaines des foulards rouges de pionniers accrochés aux grilles des casemates en hommages des gens qui ont péri ici. Il y a toujours beaucoup de fleurs dans les coins différents. Encore aujourd'hui, les vétérans et les touristes viennent de tous l'Ex-URSS pour se recueillir dans cette place. Vous suivez l'allée de goudron de couleur rouge pour avancer au centre. Les guides racontent que cette couleur rouge provient du sang versé par les défenseurs de la citadelle. Le centre du Mémorial est occupé par le monument "Le Courage": le buste d'un soldat défenseur de la place a été sculpté dans un énorme bloc de granit. Gigantesque et pensif, son visage grave et imperturbable, regard profond,il domine le large parc et les ruines de la forteresse en briques rouges. Mon père connaît ces ruines par coeur. Né en 1946, l'enfant d'après guerre, il a grandi juste à coté de la forteresse et venait souvent dans les ruines avec ses copains d'enfance, jouer "à la guerre". Cruel, comme jeu... mais tout le monde voulait être un héros, et par la manque des jouets chacun inventait ses propres jeux. Peut-on les juger aujourd'hui? Je ne crois pas. En plus, ce n'était pas anodin comme jeu, même dangereux, car dans ces ruines il y avaient des mines qui n'ont pas explosé pendant la guerre... Aujourd'hui, mon père pourrait faire un excellent guide, car il connaît non seulement très bien les ruines et les endroits peu connus au large public, mais aussi toute l'histoire de la citadelle et de sa héroïque défense. Mais bon, revenons au monument "Le Courage". A coté, un obélisque de 100m en forme de baïonnette jaillit vers le ciel. Devant ce monument sous trois plate-formes de dalles de labradorite reposent les cendres de 823 défenseurs de la citadelle. Au pied de ce sauveur de la nation en pierre, quatre adolescents (2 filles et 2 garçons) montent la garde devant la flamme éternelle du soldat inconnu. La phrase près de la flamme dit: "Ils se sont battus jusqu'à la mort. Gloire aux héros". L'uniforme est stricte: les garçons portent la tenue militaire traditionnelle de parade de couleur marron clair-kaki et une mitraillette démilitarisée, les filles arborent un tailleur de la même couleur et sont coiffées de deux tresses nouées de rubans blancs (en cas où elles ont les cheveux longs). Ils ont entre 14 et 16 ans et doivent rester 20 minutes, bien droit, sans bouger. C'est un service bénévole que les jeunes gens rendent à leur pays en mémoire des soldats qui ont assuré leur avenir. Quand j'ai été écolière, on se basculait pour avoir la possibilité de garder la flamme dans la forteresse et on était fort motivé dans nos études. Une fois par an, chaque école choisissait parmi les meilleurs élèves de 14-16 ans une douzaine pour les libérer des études pendant une semaine pour accomplir cette mission. Le matin, on allait directement dans une caserne de citadelle, notre QG, pour nous changer, et on procédait au service en défilant au pas militaire (comme dans l'Armée, la jambe tirée en avant) ( Il faut remarquer que l'on s'entraînait bien avant dans la cour de l'école pendant les cours de la préparation militaire; à cette époque je savait défaire en pièces détachées un Kalachnikoff et tout remettre en place en 45 secondes, et même donner le nom à chaque pièce!!! plus maintenant, n'empêche qu'à l'école j'occupais toujours la première place en tir parmi les filles, et à l'Université j'ai été la deuxième!) Il y avait une personne qui faisait les changements de la garde chaque 20 minutes. On mangeait dans la cantine de la citadelle et pendant les pauses repos on se marrait bien. Quelle belle époque! Si on fait un tour à gauche du monument, on peut voir des chars de guerre et des canons. Derrière ce monument principal, au fond du parc, une église orthodoxe, refaite à neuf et fraîchement restaurée, semble être étouffée par son poids. C'est sur les murs de ses ruines que l'on a trouvé après la guerre ces témoignages bouleversants de ses défenseurs: "Nous sommes trois, nous défendons cette église, et nous avons juré de ne pas céder. Juillet 1941" "Je suis seul. Les allemands sont à l'intérieur de l'église. Il me reste une grenade, mais ils ne m'auront pas vivant". Il y a d'autres inscriptions qui sont sauvegardées dans le Musée aménagé dans la citadelle. Il rassemble des armes, des casques, des affaires personnelles, des documents, des lettres des soldats, des officiers de "la garnison immortelle" (ainsi appela-t-on après la guerre les défenseurs de la citadelle). En revenant sur nos pas, vers la sortie, on passe à coté d'une autre sculpture qui impressionne "La Soif" sur la rive du Moukhavets. Pendant la défense de la forteresse, les nazi ont coupé aux défenseurs tous les accès vers l'eau, et les soldats ont risqué leur vies pour apporter de l'eau aux blessés, en rampant vers la rivière sous les feux des mitraillettes allemandes pendant la nuit. Ce monument représente un soldat qui tente d'atteindre l'eau avec son casque. Le casque aujourd'hui est rempli de fleurs, en hommage pour son courage. Brest n'a pas oublié ses héros. Il existe même à la sortie de la forteresse un square près de 3km de long, qui mène au centre-ville et où on peut trouver les panneaux avec les noms des défenseurs. Le premiers panneau dit: "Les rues de la ville portent leur noms". De nos jours, chaque année, le 22 juin ma ville natale organise à l'intérieur de la forteresse des cérémonies commémorant le début de la guerre. Bien souvent le Président Russe en personne et les membres du gouvernement russe sont présents, ainsi que beaucoup de vétérans venus de tous les coins de l'Ex-URSS. C'est pourquoi, j'ai voulu partager avec vous cet événement.

6 commentaires:

NONE a dit…

La Guerre ... ça ne devrait pazs exister ... :(

Merci d'avoir partagé avec nous :)

J'aurai une pensée spéciale demain en cet honneur ... xxx

Tania a dit…

@ Moonlady:
Je suis d'accord avec toi. Et je trouve que si nos enfants savent tous les horreurs que nos grands-parents ont vécu, ils feront tout leur possible pour éviter que ça arrive de nouveau.C'est pourquoi, de temps à autre, il est utile à rafraichir la mémoire à certains...

Dame Galadriel a dit…

C'est une réalité bien différente de la mienne. On a tendance à se plaindre sans vraiment connaître la misère de nos voisins.

C'est un très bel hommage à ses soldats, à son histoire que ta ville a fait. Ma belle-mère n'a pas internet mais elle est passionné de l'histoire, surtout de la deuxième guerre mondiale et lorsqu'elle viendra faire son tour chez moi, je lui montrerai ton texte et tes photos. Je suis sûre qu'elle te trouvera très intéressante.

Merci pour cette page d'histoire :)

Tania a dit…

@ Dame Galadriel:
Pour ta belle-mère il faut que tu donnes à lire également les posts "Fete de la Victoire"(10/05/07)et "Souvenirs d'une autre vie" (14/03/07). Elle sera servie.
Bisous

Anonyme a dit…

kikou Tania, je suis venu sur souvenirs pour répondre à ton message sur les racistes et je suis bien sur de ton avis...je vais sortir de ce commentaire par une pirouette.."ce qu'a fait Hitler en voulant faire une race supérieure çà sert "ARIEN"
bisous et bravo pour ton blog

Tietie007 a dit…

Emouvant témoignage. J'ai fait un petit topic sur le forum: L'embrasement du monde, sur la résistance de Brest-Litovsk.